L’alchimiste des saveurs, Alain Passard est avant tout connu pour être le chef triplement étoilé du restaurant « L’Arpège » à Paris. Il était naturel que cet ambassadeur du goût, pourvoyeur de sourires, soit l’invité d’honneur du Musée du sourire pour son exposition inaugurale, du 3 juin au 9 juillet 2023. Prolongation jusqu’au 20 août.
« Mon métier me fait sourire tous les matins », confie Alain Passard au micro de Vincent Josse lors de sa visite au Musée du sourire en janvier 2023, dans le cadre de l’émission le Grand Atelier sur France Inter. Le chef breton, triplement étoilé, apporte un éclairage hédoniste sur sa définition de cette expression, parmi les plus subtiles.
Textures, saveurs, couleurs, températures, guident son art à la recherche de l’équilibre parfait. Le plasticien du goût savoure toujours les plats avant leur envoi en salle. Conseil à sa brigade : « Mets du sourire dans ta sauce ! Tu vas me rajouter un petit copeau de beurre salé pour lui apporter un peu de brillance. »
Cette recette-sourire inspire aussi les collages d’Alain Passard dont le grand public connaît moins la passion. En cuisine, un aller-retour se joue entre le plat et sa composition, l’un entrant en résonnance avec l’autre.
« Lorsque la recette présente une belle harmonie dans l’assiette, j’ai tout de suite envie de la fixer en image. Et parfois, c’est l’inverse. »
Chez cet artiste aux multiples facettes, un « joli céladon » s’obtient avec un citron vert, du miel d’acacia et une base d’huile d’olive. L’oseille rouge produit un jus rubis qui lui inspire un plat à base d’asperges et de poires. Entre ses mains, une tomate représente une palette infinie de rouges et de saveurs fruitées différentes en fonction du sol qui l’a nourrie.
Les titres de ses collages-recettes rappellent la couleur dominante : « Navets mauves et pommes de terre nouvelles à la tomate rouge », « Avocats soufflés au chocolat noir »… Huit d’entre eux sont exposés au Musée du sourire pour la première fois. Tous se lisent tel un poème.
Il y a du Chardin l’ancien dans son « Émotion pourpre au parmesan ». Il y a le Matisse des papiers découpés dans son lumineux « Confit d’oranges sanguines à la menthe ». À l’instar d’un Picasso, le motif Arlequin s’invite dans sa macédoine, une mosaïque colorée qui rappelle ces « Xenia », terme grec désignant les « morceaux sacrés d’hospitalité » qui sont évoqués dans l’Iliade. « La cuisine est un voyage », affirme le chef dans un sourire pour qui chaque saison est une destination et matière à ré-invention.